Une révolution dans le monde du soccer est survenue à Zurich, en Suisse, en 2018 : après des mois de délibérations, le Conseil de l'association internationale de football décidait d’adopter l’utilisation de l’assistance vidéo à l’arbitrage (VAR) dans certaines de ses compétitions sportives.
Durant la saison 2019-2020 de la Premier League, ligue anglaise de soccer de première division, la VAR a été introduite après un vote unanime des clubs participants, surveillant entre autres les hors-jeu, les fautes, et même la validité des buts.
« La technologie permet aux spectateurs de voir immédiatement les erreurs d’arbitrage commises depuis leur télévision ou leur téléphone. Pourquoi ne pas alors utiliser cette technologie pour aider au bon déroulement du match », justifie la Premier League sur leur site internet.
Pourtant, un sondage du Football Supporters Association ayant eu plus de 30 000 répondants , relayé par le site web Sky Sports News en juin 2021, rapporte que 94% des supporteurs jugent que les rencontres devenaient de moins en moins agréables à suivre depuis l’instauration de la VAR.
43% des intéressés du même échantillon iraient jusqu’à arrêter de regarder le soccer télévisé si l’arbitrage vidéo continuait ainsi, d’après le sondage.
Pierrick Desfontaine, enseignant à la faculté des sciences du sport de l'Université de Toulon en France, juge que l’arbitrage vidéo manque à ses promesses de justice et de transparence.
« Je suis plutôt un sceptique de la VAR », établit d’emblée le professeur. « Cela s’explique par cette lecture subjective de l’image, qui est évidemment complexe et qui ne pourra jamais mettre tout le monde d’accord. Dans le [soccer], ce sport magnifique, certaines situations ne peuvent pas être démêlées par la VAR, c’est une illusion », continue-t-il.
L’Europe n’est évidemment pas le seul endroit du globe touché par ces controverses. Un article du magazine GQ relate que les supporteurs du club brésilien de Grêmio, à Porto Alegre, auraient envahi le terrain à la suite de décisions litigieuses afin de détruire le système d’arbitrage vidéo, en octobre 2021.
Le journaliste français Jacques Blociszewski partage des propos critiques envers cette technologie : « la VAR est une imposture vis-à-vis du [soccer] et de toute éthique du sport », soutient-il. Selon lui, l’assistance à l’arbitrage vidéo est « une injustice discriminante » et est appliquée avec des moyens très différents partout dans le monde. « Très peu de championnats ont adopté la VAR en Amérique latine et en Afrique, même pas dix en tout! », déplore M. Blociszewski, faisant référence aux fossés financiers entre les championnats européens et le reste du monde.
Un outil à ne pas négliger
Bien que la VAR enlève cet aspect de frisson après un but, chaque partisan se questionnant sur la validité de ce dernier, des erreurs d’arbitrage ont fait couler beaucoup d’encre par le passé.
Des moments iconiques du sport, comme « la main de Dieu » de Diego Maradona ou le but de Thierry Henry contre l’Irlande, accordés à tort, témoignent d’une réelle injustice envers l’équipe adverse.
Pour Mitch Lévis, président du Comité provincial des arbitres de Baseball Québec, l’assistance vidéo à l’arbitrage demeure une solution à ces erreurs. « Contrairement au sport du passé, nous pouvons aujourd’hui nous tourner vers des écrans pour annuler ou non une décision, et voilà, le match continue », mentionne M. Lévis.
Toutefois, les aspects humain et communicationnel ne sont également pas à négliger, selon l’arbitre. « Si on se base uniquement sur des ordinateurs, des données, il n’y a aucune relation. Tout cela peut mener à beaucoup de frustration », juge M. Lévis.
L’arbitrage en constante évolution
La Coupe du Monde 2014 de la Fédération internationale de football association (FIFA) au Brésil signait l’arrivée de la technologie de ligne de but, permettant de déterminer à l’aide de sept caméras si le ballon avait complètement franchi, ou non, la ligne blanche.
Huit ans plus tard, le hors-jeu semi-automatique est intégré aux ligues et aux compétitions de soccer professionnel, bien que l’humain reste toujours derrière ces machines.
La volonté de mécaniser l’arbitrage est alors indéniable, malgré toutes les protestations reçues. « La VAR aide le [soccer], il ne lui fait certainement pas de mal », déclarait le président de la FIFA Gianni Infantino en conférence de presse, en décembre 2020.
Pierrick Desfontaine condamne cependant les choix de la FIFA, éclaboussée par de nombreux scandales financiers dans les dernières années.
« En France, on est plusieurs acteurs à s’inquiéter de ce phénomène, mais on est bien peu de choses face au pouvoir de la FIFA et à ses enjeux économiques », indique M. Desfontaine. « [Les avancées de la VAR] ne sont que des promesses, ce ne sont que des mots en l’air », termine-t-il.
Illustration: Naïla Houde