Le gouvernement fidjien, en collaboration avec l’organisation à but non lucratif The World Mosquito Program (WMP), est engagé depuis 2017 dans un partenariat novateur impliquant étroitement les communautés locales pour les protéger contre les maladies transmises par les moustiques.
La bactérie naturelle Wolbachia est introduite dans des moustiques élevés en laboratoire, devenant ainsi une alliée précieuse dans la lutte contre les maladies transmises par ces insectes. Les moustiques infectés se reproduisent ensuite sur le terrain dans les populations locales et transmettent la bactérie aux générations de moustiques suivantes.
Bien que ces moustiques continuent de piquer, la présence de Wolbachia réduit leur capacité à être porteur de la dengue, du Zika, du chikungunya et de la fièvre jaune. Cela diminue ainsi le risque de propagation de ces maladies aux humains.
L’engagement communautaire, un élément clé
Les experts consultés sont unanimes : l’engagement communautaire et l'éducation des communautés locales sont essentiels pour renforcer la santé publique, notamment dans la lutte contre les maladies transmises par les moustiques.
« À Fidji, le pays a vraiment réussi son objectif de réduction parce qu'un grand nombre de communautés y ont participé », explique Katie Anders, épidémiologiste et chercheuse en santé publique pour le WMP.
Mme Anders témoigne que le WMP a toujours mis l'éducation et la collaboration avec les habitants et les habitantes au premier plan, instaurant ainsi un climat de confiance et de partenariat. Elle souligne que le principe directeur du WMP est de ne jamais libérer des moustiques là où la communauté ne veut pas de cette technologie.
Dip Chand, ancien inspecteur en chef de l'unité de santé environnementale du gouvernement fidjien, mentionne l'importance de l'implication des chefs de tribus locales et des organisations religieuses dans la planification des activités de sensibilisation sur la santé publique. Il parle de leur processus comme une « campagne intensive et massive d’éducation ».
Il exprime toutefois des inquiétudes quant à l'avenir du projet, en raison des défis posés par la pandémie : « Nous avions prévu introduire Wolbachia dans l'ensemble des îles Fidji. Cependant, la COVID-19 a été un désastre pour nous et nous n'avons pas pu mettre en œuvre ce projet dans les autres régions de Fidji ». Le projet cible actuellement trois régions à Fidji ; Suva, Lautoka et Nadi.
Naviguer dans la complexité
L’un des pionniers de ce processus, Ary Hoffmann, un entomologiste et généticien renommé pour ses travaux sur Wolbachia, a décidé de quitter le WMP.
Sa décision découle de son désir de résoudre les défis scientifiques liés au processus, plutôt que de s'engager dans des aspects politiques. Il se concentre sur la recherche de solutions aux problèmes rencontrés lors de l'élevage des moustiques en laboratoire. « Il est crucial que les moustiques relâchés possèdent le même niveau de résistance aux pesticides que leurs homologues naturels, sinon ils risquent de succomber lors des pulvérisations », explique-t-il.
M. Hoffman insiste sur l'importance de travailler en étroite collaboration avec les acteurs locaux, car ils sont les mieux placés pour comprendre et répondre aux besoins spécifiques de leur communauté.
La dengue, une maladie vectorielle transmise par les moustiques, atteint un pic inquiétant avec près de cinq millions de cas et plus de 5000 décès dans plus de 80 pays, selon l'Organisation mondiale de la Santé. La méthode Wolbachia, qui favorise la cohabitation plutôt que l’éradication des populations de moustiques, offre une option plus durable, écologique et économique, selon les spécialistes consultés. Les recherches pour combattre la dengue à long terme semblent prometteuses, offrant une alternative aux pesticides nocifs et temporaires, en particulier à la lumière des défis climatiques croissants.
Illustration : Annabel Ouellet