La présidence de Paul Kagame, instaurée depuis 2000, a permis au Rwanda de renaître de ses cendres après le génocide. Cette ascension fulgurante cache cependant ses parts d’ombre.
D’avril à juin 1994, le pays aux mille collines a été le théâtre d’un génocide sans précédent : une partie de sa population, les Hutus, a massacré la deuxième ethnicité du pays, les Tutsis. En trois mois, 800 000 Tutsis ont perdu la vie. Aujourd’hui, le Rwanda est surnommé le nouveau Singapour africain de par sa croissance économique et sociale fulgurante.
Le maître-mot du chef d’État rwandais pour atteindre cet exploit a été l’unité nationale. Les Hutus et les Tutsis ont toujours été un même groupe ethnique, divisé par les Belges lors de la colonisation. Son leitmotiv d’effacer la distinction entre les deux cercles pour former un peuple rwandais uni a guidé sa présidence.
« Il allait chercher les Hutus réfugiés au Congo par la force pour les ramener au Rwanda », explique l’historien franco-canadien et spécialiste de l’histoire du Rwanda Gérard Prunier. Une manœuvre brutale que la communauté internationale a vivement critiquée.
Des réformes implacables, mais concluantes
Paul Kagame a mis en place lors de ses mandats deux plans de développement : Vision 2020 et Vision 2050. Le premier avait pour objectif de créer un eldorado rwandais; un pays prospère, éduqué et indépendant. La capitale Kigali est devenue une des villes les plus sûres et les plus modernes d’Afrique.
Ces plans de développement comprenaient des mesures sévères : déplacement des orphelin.es dans les campagnes, évacuation des habitant.es qui ne pouvaient pas remplir les conditions pour habiter en ville, quartiers populaires rasés au profit de quartiers résidentiels… Des actions justifiées par la construction d’un nouveau pays et perpétrées sans la pression d’une opposition politique ou médiatique.
La qualité de vie de la population Rwandaise s’est tout de même considérablement améliorée. Les chiffres de la Banque mondiale sont frappants : l’espérance de vie à la naissance est passée de 29 à 69 ans, des débuts du génocide à la fin de l’année 2019. Le taux de mortalité maternelle a chuté, tout comme le taux de pauvreté. Ces trente dernières années, le président Paul Kagame a su redresser son pays d’une main de fer, « c’est un bureaucrate intelligent et subtil derrière son bureau », affirme Gérard Prunier.
Un modèle désuet
Cette croissance notable s’est depuis essoufflée d’après l’Agence française de développement. Le gouvernement a rendu l’accès à l’éducation supérieure élitiste. « C’est difficile d’aller à l’université sans soutien suffisant », déplore Claude, un jeune habitant de Kigali. L'augmentation de la population, les changements climatiques et la pandémie ont aussi participé à ce déclin.
Selon Claude, le peuple Rwandais s’estime reconnaissant des réformes mises en place par Paul Kagame. Le plan Vision 2050 devrait présenter des mesures adaptées aux changements dont le pays est témoin. Il stipule par exemple qu’il serait nécessaire de mettre en place une agriculture novatrice, adaptée aux changements climatiques, ou encore de rendre la capitale plus verte. Claude estime tout de même que « Paul Kagame ne doit pas oublier les limites [géographiques et culturelles] du Rwanda ».
Illustration: Camille Enara Pirón