Avec DeBÍ TiRAR MáS FOToS, l’artiste portoricain Bad Bunny livre une lettre d’amour à sa culture. Mélange de reggaeton, bomba, salsa et rap, son disque a rapidement occupé la première place du Top Latin Albums du Billboard. Ce nouveau projet musical s’inscrit dans une démarche identitaire renforcée par une résidence de 30 concerts à San Juan, capitale de son île natale.
Dans plusieurs morceaux, Bad Bunny rend hommage aux styles traditionnels portoricains, comme la bomba et la plena, qui sont deux genres nés des communautés afro-caribéennes de l’île. CAFé CON RON, une des chansons du nouvel album, intègre ces genres. Dans le court-métrage DeBÍ TiRAR MáS FOToS, qui accompagne l’album du même nom, Bad Bunny met en scène le crapaud concho, un amphibien symbole de Porto Rico. Cette espèce est en voie de disparition et rappelle que la préservation de la culture locale est essentielle.
La magie des résidences
Le Colisée José Miguel Agrelot de San Juan a été transformé pour les 30 concerts, les décors rappelant les racines de l’île. Loren Nicole Chica, 30 ans, a assisté au concert de Bad Bunny à San Juan: « C’est un artiste avec qui tu peux faire la fête, mais en même temps, ses chansons sont pleines de sentiments même si l’on n'est pas Portoricain, on a ressenti une connexion avec la culture latino-américaine », partage Mme Chica. Elle l’a également vu en 2022 à San Diego en Californie, mais affirme que l’énergie n’était pas la même. « À Porto Rico, il a souri du début à la fin. C’était différent, on sentait qu’il était chez lui. » Plusieurs partagent leurs émotions sur les réseaux sociaux.
Une prise de conscience politique
Benito Antonio Martínez Ocasio, alias Bad Bunny, est un chanteur engagé particulièrement dans son nouvel album. Dans LO QUE LE PASÒ A HAWAii, qui se traduit par « qu’est-il arrivé à Hawaï », il évoque l’angoisse de l’embourgeoisement de Porto Rico, au même titre que ce qui est arrivé à Hawaï. Annexé par les États-Unis en 1898, l’archipel a perdu son identité et ses terres lorsque les Américains en ont pris le contrôle. Dans ce titre, Bad Bunny chante en espagnol « Ils veulent me prendre la rivière et aussi la plage, ils veulent mon quartier et que tes enfants s'en aillent ».
Fernando Rivera, professeur de sociologie à l’université du Centre de la Floride ayant fait de multiples analyses sur Porto Rico, explique qu’« évidemment, la situation avec Hawaï est assez complexe, notamment en ce qui concerne la population, leur culture et leur intégration au sein des États-Unis. » Il souligne également qu’il y a plusieurs problématiques qui y font écho, comme le coût de l’électricité et l’absence d’une agriculture qui mène à une dépendance à l’importation. M. Rivera ajoute « C’est en voyant ces similitudes que Bad Bunny semble dire, “Est-ce qu’on veut vraiment sacrifier notre culture pour suivre une trajectoire incertaine? Regardez ce qui s’est passé à Hawaï” », ajoute M. Rivera.
Dans plusieurs morceaux, Bad Bunny évoque aussi la relation complexe entre Porto Rico et les États-Unis. L’île est un territoire qui reste sous autorité américaine sans avoir accès à une pleine autonomie politique, et sans être pleinement représenté au Congrès comme un des cinquante États du pays. Le chanteur critique cela et appelle la population à retrouver une fierté nationale. « Il y a évidemment cette fierté qui se transforme en ce que les gens pourraient considérer comme du nationalisme ou de la séparation des États-Unis », ajoute M. Rivera.
Fidèle à ses racines
Loren Nicole Chica estime que Bad Bunny se distingue par son engagement politique et artistique. « Certains artistes choisissent de ne pas en parler, mais lui, c’est différent : il est l’un de ceux qui ont toujours parlé de Porto Rico, de son histoire et de sa réalité en tant que territoire colonisé. Je trouve cela admirable, car il utilise son art pour s’exprimer ». Pour Fernando Rivera, « il a vraiment su rester fidèle à lui-même, travailler autant qu’il le peut sans essayer d’être quelqu’un d’autre et je pense que c’est précisément ça qui touche beaucoup de jeunes, surtout dans la crise que nous traversons. » Bad Bunny célèbre Porto Rico à travers sa musique mêlant culture, politique et messages inspirants aux jeunes générations. Le chanteur fera son apparition au spectacle de la mi-temps du Super Bowl le 8 février 2026, l’un des spectacles les plus suivis au monde.
Plutôt que de partir en tournée à travers le monde, Bad Bunny est resté chez lui, à Porto Rico. La raison principale pour laquelle le chanteur international n’est pas allé aux États-Unis est liée au ICE (La police de l’immigration aux États-Unis). Il a exprimé que cette situation est inquiétante et qu’il ne voulait pas risquer la possible présence du ICE devant ses salles de concert. Au cours de sa résidence, il a généré plus de 200 millions de dollars américains pour l’économie du territoire américain en attirant 600 000 touristes. Sa résidence à Porto Rico représente la beauté, l’histoire et l’héritage de l’île.