Le Soudan du Sud est devenu une nation en 2011 après sa révolution. Pour l’occasion, les deux groupes ethniques sud-soudanais rivaux, les Dinkas et les Nuers, avaient mis leurs différends de côté afin d’acquérir une indépendance commune. Ces derniers étaient jusqu’alors aux prises avec un conflit territorial.
Le pays était alors dirigé par le président dinka Salva Kiir et son vice-président nuer, Riek Machar. En 2013, Kiir a accusé Machar de tenter de prévoir un coup d’État ; cet événement, ravivant les conflits opposant les deux groupes, annonçait le début d’une guerre civile dont les citoyens vivent encore les répercussions.
Un germe artistique qui fleurit
La scène humoristique et le stand-up au Soudan du Sud, jusqu’alors dormants, ont fait leur première apparition publique en 2014, dans la ville de Juba. Un homme de 43 ans appelé Lumori a inauguré la première salle de spectacle réservée à ce type d’art vivant.
Doutant grandement que ce projet serait fructueux, Lumori avait été surpris par l’engouement qui s’était rapidement développé pour l’événement qui s’appelle maintenant le Kilkilu Ana Comedy Show. « Nous avons pensé que nous pouvions ramener de l'amour, ramener du rire. Que les gens puissent sourire à nouveau », a-t-il affirmé lors d’une entrevue avec Africa News.
Aujourd’hui, et ce tous les jeudis, la salle accueille près de 2000 personnes qui semblent trouver énormément de réconfort grâce à ses spectacles humoristiques. « J'utilise ces blagues pour les faire sourire, pour les guérir du trauma auquel ils ont fait face », explique à l’AFP l’ancien enfant-soldat Kuech Deng Atem, qui est maintenant humoriste.
La violence, terreau fertile de la culture
Au Soudan du Sud, les atteintes à la liberté d’expression et de la personne sont nombreuses. Selon Amnestie Internationale, « les forces de sécurité ont eu recours cette année encore à la surveillance illégale contre les personnes qui critiquaient le gouvernement. Elles ont lancé des opérations de répression à la suite d’appels à des manifestations pacifiques. Des condamnations à mort ont été prononcées et des exécutions ont eu lieu ».
Nelson Kwaje, militant sud-soudanais pour les droits de la personne, considère que toutes les menaces à la liberté d’expression ne font que mettre de l’huile sur le feu de la création artistique. Ces soirées stand-up sont alors devenues des abris des violences politiques où tous peuvent s’exprimer librement et dans l’allégresse, sans peur de représailles.
C’est exactement l’image que nous avons de l’art ; c’est un plancher commun où tous peuvent partager et s’exprimer sans retenue, censure ou gêne. L’art donne la parole à la population et reflète donc sa réalité, ses mœurs et ses émotions. L’art encourage la mise en relation et la communication de toute une communauté, arme indestructible contre l’oppression.
Illustration: Magali Brosseau