Le rugby est un sport exigeant aux risques élevés de blessures, menant à des retraites prématurées. Derrière ces athlètes à l’allure invincible se cachent de la solitude, des problèmes de santé mentale et de dépendance ; des enjeux trop peu abordés dans le milieu.
« Quand je jouais, c’était le dernier des soucis, la santé mentale », déclare l’ancien joueur de la Ligue nationale de rugby (LNR), en France, et maintenant directeur général du syndicat des joueurs de la LNR (Provale), Mathieu Giudicelli. Celui-ci a dû mettre fin à sa carrière subitement en 2018, à la suite d’une double hernie lombaire.
Il confie avoir vécu des moments difficiles en raison de cette blessure. « J’ai passé une période très compliquée de ma vie, dit-il. Une période de dépression où je me suis senti seul, mais au moins, ma famille était très présente. On ne sait plus qui on est. On ne sait plus à quoi on sert », ajoute-t-il en parlant de cette période de sa vie.
Selon lui, on ne parle pas assez de ce fléau dans le monde sportif. « On avait des joueurs qui souffraient en silence dans leur coin, qui n’avaient plus la flamme de jouer alors qu’à la base, c’est une passion », affirme M. Giudicelli.
Le responsable de santé mentale et de bien-être de New Zealand Rugby, une organisation sportive, Nathan Price, est du même avis. « Des fois, tu vois qu’un joueur a besoin d’aide, mais il refuse de parler parce qu’il a peur et parce que c’est mal vu », explique-t-il.
Un vent de changement
« Quand j’ai [commencé] mes fonctions chez Provale, je me suis demandé comment il fait, le joueur qui n’a pas de famille ou qui n’est pas accompagné comme je l’ai été », raconte Mathieu Giudicelli, qui a aidé la LNR à développer un plan d’action en santé mentale.
Ce plan a pour but « de casser les barrières pour que les joueurs puissent dire qu’ils ont besoin d’aide ». Il permettra aux rugbymen d’avoir accès à un numéro d’urgence et à un suivi psychologique au besoin. En cours de mise en place depuis 2023, le plan est prévu d’entrer en vigueur en 2027.
Aujourd’hui, M. Giudicelli se dit comblé dans sa nouvelle carrière. Il n’a toutefois pas oublié la période douloureuse qu’il a connue après sa blessure. « La violence de l'arrêt de ma carrière fait que j'ai toujours cet état dépressif quelque part en moi. Avec tous les sacrifices que j'ai faits, que ça s'arrête du jour au lendemain, cela a été très, très dur à vivre », se confie-t-il. Optimiste, il affirme que ces épreuves de la vie sont « ce qui nous construit et ce qui fait de nous des êtres meilleurs ».
Illustration : Saphia Weladji