Certaines amatrices de pilates mettent de l’avant un mode de vie hyper féminin, luxueux et épuré. La recette pour en devenir une : tenues moulantes monochromes, couettes léchées, maquillage minimaliste, matcha glacé dans une main et livre sur le développement personnel dans l'autre.
Déjà, disons-le, ce n’est pas tout le monde qui a le temps ou les moyens d’adopter une apparence aussi esthétiquement polie et travaillée. À cela s’ajoutent les fameux hashtags « corps pilates », « perte de poids pilates » et « abdos pilates », qui entretiennent une association entre ce sport et la minceur. Pourtant, les gains physiques du pilates varient d’un corps à l’autre, et rien ne prouve qu’il favorise particulièrement la perte de poids.
À la base, cette méthode d’entraînement vise le renforcement des muscles profonds du centre du corps, particulièrement les abdominaux, le dos et le plancher pelvien. Étant doux, sans impact et souvent peu exigeant sur le plan cardiovasculaire, le pilates en charme plusieurs de par son accessibilité.
Il serait dommage que certaines personnes n’osent pas s’y initier ou modifient leurs objectifs sportifs en croyant que cette discipline doit forcément mener à un corps mince et à un mode de vie parfaitement esthétique et « féminin ».
Se sentir bien ne suffit plus : il faut bien paraître
Ce qui frappe, c’est la quête de maîtrise que sous-tend cette image : tout en contrôle, du legging immaculé à la gourde chromée. Dans un monde où plus rien n’est stable, maîtriser son corps devient presque un refuge, ou du moins une illusion rassurante. Car le « naturel », ici, n’a de naturel que le nom. Derrière la peau lumineuse et la taille fine se cachent des heures d'entraînement, une discipline de moine et, osons le dire, souvent une bonne dose de génétique.
Et puis, il y a la valorisation sociale. Les corps minces refont surface comme tendance dominante : un petit retour en arrière après la période où l’on célébrait les formes, les muscles, la force ? Peut-être.
C’était pourtant si rassurant de voir grandir le mouvement Body positive au cours de la dernière décennie. De plus en plus d’internautes affichaient leur corps tel qu’il est, sans filtre. Des femmes laissaient tomber le narratif de se muscler, mais de façon restreinte, à seulement des endroits précis pour rester féminine.
La force de cette tendance vient d’un paradoxe : elle propose une pression sociale douce. Pas d’injonction directe à maigrir, seulement un discours de bien-être. Pas de cris d'entraîneur, juste une ambiance calme et uniforme. Cependant, le message, lui, reste identique : être une « femme parfaite» dans notre société, c’est encore et toujours ressembler à un modèle défini par d’autres. Beaucoup de femmes finissent par se demander si le bien-être n’est pas réservé qu’aux corps déjà « validés ».
Il ne s’agit pas de critiquer le pilates ou le goût pour une vie soignée. Beaucoup y trouvent un vrai apaisement. L’enjeu est plutôt d’élargir l’image même du bien-être : un espace où chaque femme se sent légitime, quelle que soit la forme de son corps, où l’objectif n’est plus d’imiter une tendance, mais de retrouver ce qui lui fait réellement du bien.