L’Inde se positionne comme candidate à l’organisation des JO d’été 2036. Ses représentants et institutions sportives militent activement pour l’intégration du yoga au programme olympique.
Le Comité international olympique (CIO) autorise chaque pays hôte à proposer l’inclusion de disciplines additionnelles de leur choix. Si l’Inde accueille les Jeux olympiques de 2036, le pays pourrait introduire le yoga à titre provisoire, avant une éventuelle pérennisation.
L’introduction de cette pratique aux Jeux olympiques (JO) valoriserait l’héritage spirituel de l’Inde tout en redéfinissant les normes sportives mondiales. Cette initiative ravive les débats en interrogeant les frontières entre spiritualité et performance, mais aussi entre héritage ancestral et quête de modernité.
L’instructeur de yoga Acharya Vinay, natif de l’Inde et fervent promoteur du patrimoine, explique que ce sport s’est transformé en pratique compétitive depuis 2020, des championnats nationaux de yogasana ont vu le jour, centrés sur l’exécution technique et esthétique des postures. Les participants et participantes sont évalués sur la difficulté des postures, leur stabilité, leur alignement et leur expression artistique. Cette discipline est donc une performance et un art du corps en mouvement. Le véritable enjeu ne réside pas dans la seule maîtrise technique : « le yoga se mesure à la capacité du pratiquant à rester centré et serein dans l’effort », rappelle M. Vinay.
Le yogasana, une pratique axée sur la performance, se prête à des codes rigoureux de plusieurs institutions, comme National Yogasana Federation, qui analyse parfois les épreuves à l’aide de techniques biomécaniques. Ces méthodes analysent et optimisent le mouvement humain à partir de lois scientifiques. L’alignement précis des hanches, la répartition du poids entre les mains et les pieds, ou encore l’activation du centre visent à améliorer la performance, à prévenir les blessures et à restaurer l’équilibre corporel.
Spiritualité en terrain de performance
Pour beaucoup, l’intégration du yoga aux Jeux olympiques dénature l’essence même de la pratique, qui dépasse largement une simple succession de postures techniques. Pour d’autres, cette évolution représente une chance de démocratiser cette pratique technique par une reconnaissance institutionnelle.
Mahesh Harrjaai, un professeur certifié de yoga originaire de l’Inde, craint que sa codification sportive ne dénature sa philosophie originelle. Selon lui, «la compétition, tournée vers la performance et le regard extérieur, semble en contradiction avec le, dont la pratique vise avant tout l’introspection et l’équilibre intérieur ». Il craint que la discipline perde sa profondeur spirituelle et que ce sport soit banalisé comme un sport parmi d’autres.
Le yoga traditionnel, dérivé du mot sanscrit yuj, signifie « unir ». Le sport s’inscrit historiquement dans une pratique méditative visant l’harmonisation du corps et de la conscience. Ce sport incarne une quête intérieure, reconnue par l’ONU comme un refuge à l’égard des crises contemporaines. Cette dimension spirituelle soulève des tensions autour de son éventuelle intégration dans le champ sportif olympique.
Comparé au yoga traditionnel, le yogasana a un autre objectif : la performance plutôt que l’équilibre. Mahesh Harrjaai souligne que la discipline compétitive peut respecter ses valeurs essentielles s'il est pratiqué avec intégrité et conscience. D'après lui, le glissement s’opère lorsque l’expérience intérieure est reléguée au profit d’une quête de visibilité ou de reconnaissance extérieure.
Dans sa version sportive, cette discipline pourrait incarner une synthèse inédite entre ces deux pôles : « Certaines fédérations cherchent à intégrer des critères tels que la pleine conscience, la maîtrise émotionnelle ou le pranayama [des exercices de respiration] dans l’évaluation des performances », explique M. Harrjaai.
Mahesh Harrjaai explique que l’absence d’un système de notation universel constitue un obstacle majeur à son intégration dans le programme olympique, où l’équité et la comparabilité des performances sont essentielles.
Selon l’instructeur de yoga, Acharya Vinay, « nous aurions besoin d’un système unifié qui respecte à la fois la précision technique et l’essence spirituelle de cette pratique, non uniquement sa dimension athlétique ».
Le renouvellement du yoga à travers les générations
Nikita Divate, une élève de l’ashram Aarambh Yoga situé à Mumbai, sur la côte ouest de l’Inde, affirme que les jeunes adultes s’approprient cette pratique. À la fois physique, psychique et enracinée dans leur culture, les nouvelles générations la modernisent et la revendiquent comme un mode de vie. « Le yoga nous accompagne partout. [...] c’est une énergie que l’on incarne. Il ne se transmet plus seulement : il se réinvente à travers nos parcours, nos choix et nos aspirations », a-t-elle confié.
Cette étudiante confirme que la reconnaissance du yogasana comme discipline olympique suscite fierté et espoir chez les jeunes. Ils et elles y voient une valorisation de la culture indienne, des perspectives professionnelles et un levier pour promouvoir de saines habitudes de vie. L’élève estime que, par sa gestuelle à la fois traditionnelle et inclusive, le yoga s’affirme comme une pratique moderne apte à répondre aux exigences du sport de haut niveau.
Au-delà de l’aspect sportif, des millions pratiquent le « surya namaskar » (la salutation au soleil), sans en connaître les racines. Certaines marques occidentales en ont également fait un produit vidé de sens, a révélé Acharya Vinay. En structurant le yoga dans un cadre compétitif, l’Inde affirme sa paternité et cherche à inscrire son héritage dans le récit international du sport.