L’AfricaMuseum de Tervuren, créé en 1898 par le roi Léopold II, peine encore à se défaire de son héritage colonial. Même après la rénovation de ses collections congolaises entamée en 2018, les critiques demeurent nombreuses.
L’anthropologue et cheffe de projet à l’AfricaMuseum, Célia Charkaoui, note que « le musée européen est un instrument du pouvoir, ancré dans un système impérialiste ». Selon elle, cela rend « une décolonisation totale sur le sol européen » presque impossible.
Dans un texte publié en janvier 2025 dans le journal De Morgen, l’ancienne responsable de la programmation culturelle du musée, Nadia Nsayi, invite à aller au-delà des gestes symboliques pour engager de vraies actions de décolonisation: « La décolonisation ne doit pas être une métaphore symbolique, mais un combat concret », dit-elle.
Selon la thèse de Laura Herman de l’Université catholique de Louvain, l’AfricaMuseum est à la fois un symbole de domination coloniale et un outil de propagande. Il a été bâti avec les richesses extraites de la République Démocratique du Congo. Il fait partie des grands musées coloniaux d’Europe. Ses vastes collections témoignent d’un pillage systématique du patrimoine congolais, mentionne Mme Herman.
Un manque de représentation afro-descendante
« La représentation reste fragmentaire et l’histoire coloniale du Congo n’est pas racontée par les premiers concernés », souligne le membre de la Fédération de la Diaspora congolaise, Serge Mbala Mafunda. Il réclame « une collaboration honnête, engagée, pour un partage équilibré des œuvres entre Bruxelles et l’Afrique ». Il ajoute qu’« aujourd’hui, la grande majorité des Africains n’ont pas accès à leur patrimoine ».
Pour le directeur général Bart Ouvry, en poste depuis mai 2023, « la composition du conseil de direction et du conseil scientifique, tout comme l’absence d’un conseil d’administration intégrant la société civile, demeure inchangée depuis très longtemps », explique-t-il. Il regrette la dissolution du Comité de concertation MRAC (Musée royal de l'Afrique centrale) -Associations africaines, faute de reconnaissance officielle et de diversité au sein du conseil d’administration, en 2017. Il souhaite que des représentants de la société civile, surtout afro-descendants, soient inclus à l’avenir pour une gouvernance plus ouverte et adaptée à la société belge.
La restitution, une affaire d’État
La restitution consiste à rendre aux pays d’origine les œuvres acquises dans un contexte colonial. En Belgique, cette décision relève exclusivement du gouvernement fédéral, qui organise et gère ce processus. Bien que le processus soit amorcé, il s’annonce long et exige des recherches approfondies sur l’histoire de chaque objet. Mme Charkaoui précise que « le musée [...] n’a pas la main sur la restitution : tout relève de la décision de l’État belge ».
M. Mbala Mafunda milite pour que les objets africains puissent retourner, avec la concertation des pays d’origine, sur le continent africain. Il souhaite que le patrimoine soit accessible à la majorité des Africains, et non uniquement à la diaspora vivant en Europe. Selon lui, la véritable décolonisation passe non seulement par la restitution matérielle des œuvres, mais aussi par une réécriture de l’histoire portée par des voix africaines et une implication accrue du personnel africain dans l’équipe du musée.