Chanter en gaélique pour conserver sa culture : le groupe de rap d’Irlande du Nord Kneecap gagne en popularité auprès de la jeunesse nord-irlandaise. Celle-ci s’explique par l’usage de la langue comme instrument politique.
Alliant la langue anglaise et le gaélique, les chansons de Kneecap se veulent engagées. Elles souhaitent exposer les traumatismes générationnels causés par plusieurs siècles de colonialisme anglais. Malgré le désir de nombreux Nord-Irlandais de rejoindre la République d’Irlande, le territoire fait partie du Royaume-Uni.
« Kneecap a été essentiel à mon éveil en tant que républicaine irlandaise et à la prise de conscience de l'importance de notre histoire et de notre culture, et je vois que c'est aussi le cas pour plusieurs autres personnes », dit Sandra Murtagh, fan du groupe et administratrice de la page Instagram kneecapupdates. D’après elle, Kneecap représente ces valeurs indépendantistes.
La langue et la loi
« La popularité du gaélique auprès des jeunes est due en partie aux arts, mais aussi à une gamme d'artistes qui alternent assez facilement entre le gaélique et l'anglais », explique l’avocate et professeure en droit international irlandaise Róisín Á Costello. Le groupe agit comme meneur d’une jeunesse qui souhaite voir sa culture et sa langue valorisée après tant d’années passées à tenter de l’enterrer, ajoute-t-elle.
Le gaélique a obtenu le statut de langue officielle aux côtés de l’anglais en 2022, mais il ne peut pas être utilisé dans toutes les sphères du quotidien. Dans un contexte administratif ou judiciaire, des interprètes ou des traducteurs sont parfois introuvables puisque la population parlant cette langue et ayant suivi une formation est assez restreinte.
« En Irlande du Nord, il n'existe aucune garantie constitutionnelle protégeant le gaélique et, jusqu'à récemment, une loi interdisait toute langue autre que l'anglais devant les tribunaux », explique Mme Á Costello.
Un groupe qui sème la controverse
Kneecap s’est retrouvé au cœur de polémiques. Le trio a montré son soutien au peuple palestinien sur scène, et des vidéos du chanteur, Mo Chara, tenant un drapeau du Hezbollah, un organisme terroriste, ont refait surface. Cela lui a valu d’être poursuivi en cour au Royaume-Uni. Lors de son procès pour terrorisme, le rappeur a demandé l’accès à un traducteur afin de s’exprimer en gaélique, ce qui lui a été accordé lors de sa deuxième audience, comme le rapporte la journaliste Lucy Jackson du National en Écosse.
En septembre, le député libéral Vince Gasparro, secrétaire parlementaire à la lutte contre la criminalité, a interdit l’entrée sur le territoire canadien au groupe de rap. « [Vince Gasparro] a spécifiquement cité dans son communiqué les chefs d’accusations de terrorisme plutôt que la rhétorique haineuse en soi », explique le journaliste au Global News en chargedu sujet, Sean Boyton.
Les chefs d’accusation ont été abandonnés quelques jours après la déclaration de Vince Gasparro, mais le Canada n’est pas revenu sur sa décision. Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC) a déclaré que « l'entrée au Canada peut être refusée pour diverses raisons, notamment des préoccupations liées à la sécurité, des violations des droits de la personne ou des droits internationaux, ou des activités criminelles. »