Dans le désert de sel d’Uyuni en Bolivie, le plus grand du monde, le gouvernement souhaite devenir un important producteur de lithium et ce, contre l’avis de la population locale qui craint pour son approvisionnement en eau potable et anticipe les conséquences possibles sur l’environnement.
Le lithium est un métal essentiel pour les batteries des téléphones intelligents et des voitures électriques, dont la demande est constamment à la hausse. Pour extraire le lithium du désert de sel d’Uyuni, qui contiendrait le tiers des réserves mondiales, une immense quantité d’eau doit être puisée dans le Rio Grande. Cette eau est nécessaire pour séparer, au moyen de bassines d’évaporation, le lithium des autres éléments chimiques présents dans l’eau salée comme le potassium et le sodium. Ce procédé engendre un stress hydrique important.
Cette eau sert habituellement aux besoins des populations autochtones et à leurs moyens de subsistance comme l’agriculture et l’élevage, ainsi qu’au tourisme, moteur économique important dans la région. Pour les autochtones de Bolivie, l’exploitation minière est une longue histoire de saccage et d’abus.
Selon Nicolas Merveille, professeur au département de stratégie, responsabilité sociale et environnementale de l’UQAM, il est très probable que cette industrie n’apporte rien aux populations locales :
« On se rend compte que tous les métaux associés aux technologies numériques se retrouvent sur des territoires autochtones. Ce sont des gens qui vivent en périphérie de notre société dite moderne, avec des problèmes de reconnaissance de leurs droits. »
De plus, les sociétés minières deviennent de plus en plus automatisées, ce qui rend inutile l’embauche de paysans et paysannes et crée peu d’emplois.
Une cible ratée
Le président déchu, Evo Morales, désirait développer son pays et créer de la richesse grâce à l’énorme potentiel minier, tout en maintenant le contrôle de la production sur son territoire. Il voulait nationaliser les exploitations et transformer le lithium en batteries électriques sur le sol bolivien. Michel Jébrak, géologue et professeur émérite au département des sciences de la Terre et de l’atmosphère de l’UQAM, estime que la seule usine-pilote créée en 2008 n’a produit que quelques centaines de tonnes de lithium depuis 5 ans, alors que la production mondiale s’élève à 200 000 tonnes par an.
« Les dernières années ont montré que les Boliviens et Boliviennes avaient beaucoup de mal à lancer quoi que ce soit de produits industriels, essentiellement du fait de leurs politiques nationalistes, a-t-il affirmé. Ainsi, les impacts environnementaux associés à l’extraction intensive de lithium dans le désert de sel d’Uyuni seraient pour l’instant moindres, étant donné la faible performance de l’usine-pilote. »
Certes, toute exploitation d’une ressource naturelle cause des dommages plus ou moins importants à l’environnement, mais le lithium reste une solution de premier choix pour un monde carboneutre et pour l’électrification des transports.
Crédit-photo: Lila Dussault