21 000. C’est le nombre approximatif d’enfants soldats qui auraient combattu lors de la guerre civile au Libéria, qui avait débuté en 1989 pour se terminer en 2003. Les Nations unies estiment qu’un enfant libérien sur dix aurait ainsi participé à l’effort de guerre. Maintenant adultes, ils et elles vivent avec des séquelles importantes de par cette violence.
« Les élèves étaient extirpés de classe et conscrits sans leur consentement », raconte Klubosumo Johnson Borh, directeur général de l’organisation libérienne Réseau pour l’autonomisation et l’initiative progressive (NEPI, Network for Empowerment & Progressive Initiative).
Le Libérien a vu de ses propres yeux toutes les horreurs de la guerre dans son pays, mais c’est principalement la réalité des jeunes qui l’a marqué. « Ces enfants ont vécu presque toute leur vie au sein de la violence. Armes à la main, ils s’en servaient comme forme d’autorité pour obtenir tout ce qu’ils voulaient gratuitement », relate M. Borh.
La situation est complexe pour ces anciens combattants qui « se victimisent eux-mêmes et se considèrent coupables d’actes de guerre », selon William F. Saa, spécialiste du Libéria pour la Folke Bernadotte Academy, soit l’agence gouvernementale suédoise pour la paix.
Swaliho M. Fofana, directeur général de l’organisation YouthAid-Liberia, pose le même constat. À son avis, ceux et celles qui se victimisent n’ont « aucune manière de totalement se réintégrer dans la société ».
Un soutien indispensable, mais limité
Divers organismes du Libéria, dont le NEPI, se spécialisent en aide psychologique et en consolidation de la paix auprès des anciens enfants soldats. William F. Saa considère que ces derniers « doivent comprendre la réalité dans laquelle ils sont en ce moment et avoir un regard positif vers le futur », ce qui est difficile pour certains d’entre eux. Il y aurait, selon lui, deux catégories d’ex-enfants soldats : ceux qui avancent et qui travaillent à améliorer la vie de leurs pairs, puis ceux qui restent paralysés par leurs souvenirs.
« Le gouvernement devrait avoir un programme d’aide national [pour les anciens enfants soldats] », affirme M. Saa en déplorant que seulement des formations professionnelles et techniques leur sont offertes, sans aucun soutien après la remise des diplômes.
Encore victime des répercussions du conflit, la population libérienne tente de reprendre son souffle. « Les traumatismes peuvent se transmettre d’une génération à une autre », explique William F. Saa, qui constate que les jeunes d’aujourd’hui sont affectés par une réalité qu’ils et elles n’ont pas nécessairement vécue.
Un pays ravagé par la drogue
YouthAid-Liberia agit principalement pour contrer les effets de l’épidémie de drogues qui sévit au pays, mais le directeur de l’association reste incertain des retombées de ses projets. « On a seulement eu l’occasion de faire de la prévention en parlant aux jeunes consommateurs [et consommatrices] de drogues, mais cela n’aide pas », explique M. Fofana en précisant qu’il ne peut pas faire de grands progrès sans centres de réadaptation.
« Les drogues sont un risque réel pour la sécurité nationale du Libéria », déclare William F. Saa. Celui-ci présume que le manque de ressources pour la jeunesse découle du fait que la société « ne considère pas qu’elle puisse avoir une contribution valable à lui apporter ». À son avis, les jeunes doivent être vus comme des acteurs et actrices de changement dès aujourd’hui pour leur permettre d’évoluer sans, par exemple, sombrer dans la consommation de drogue.
Le gouvernement actuel devra faire preuve de détermination pour faire progresser sa population et la guider vers la bonne direction, ce qui est « prometteur pour le pays, mais il reste difficile de déterminer si ce sera un succès », conclut M. Saa.
Illustration : Mai Durette