Aujourd’hui pratiquée mondialement, la crosse, sport aux origines autochtones, présente une alternative de réconciliation avec les Premières Nations au Canada. Déclarée comme le sport national d’été canadien en 1994 dans une idée d’unification nationale, l'activité présente encore aujourd'hui le même potentiel.
La crosse ne ressemble aucunement au sport que pratiquaient autrefois les Nations en Amérique du Nord. D’après Tommy Thompson, membre de l’équipe de l’Université d’Ontario (UTO), l’origine même du jeu s’est perdue à travers le temps. « J’ai commencé à jouer tellement jeune, je ne savais pas que c’était un sport autochtone », partage le numéro 7 de l’équipe de l’UTO.
Les rituels avant les parties, maintenant négligés par les allochtones, étaient auparavant d’une grande importance. Ceux d’aujourd’hui n’ont rien à voir avec les séances de méditation, les semaines d’abstinence et les diètes que suivaient les guerriers autochtones de l’époque. « Nous, on a une petite routine d’avant-match, mais rien de sérieux », réitère le joueur Tommy Thompson.
Le partage du sport comme atout
Ces changements dans l’aspect spirituel du sport ne font pas peur aux membres de la confédération Haudenosaunee, anciennement nommée la confédération Iroquoise, qui pratiquent aujourd’hui la crosse récréativement dans le Fort Erie Native Friendship Centre. Jamie Whitecrow, réalisatrice du documentaire Urbains.Autochtones.Fiers - Jeu ancestral : La crosse, tourné dans la région de Fort Érié, affirme qu’avec la propagation de l’activité, « [le sport] ne perd pas de son sens, il en gagne ». Pour la femme originaire de la Première Nation de Seine River, dans l’ouest de l’Ontario, le partage du sport entre toutes les personnes intéressées fait gagner de l’importance au jeu et parallèlement, aux peuples qui le pratiquent.
Une étape importante en communauté
À l'intérieur de la collectivité, la transmission du sport est comme un rite de passage. Pour les aînés de la communauté, c’est un privilège de voir les jeunes pratiquer un sport ancestral, et pour les enfants, un moyen d’expérimenter un sport qui était autrefois une pratique de guerre. Mme Whitecrow se souvient que « les enfants voulaient [lui] parler de leur sport [qu’ils] étaient excités à l’idée de devenir des guerriers ».
La crosse conserve alors son côté spirituel dans les communautés et, avec ce dernier, une part de l’importance historique et du pouvoir formateur qu’il lui étaient autrefois accordés. « L’origine du jeu remonte en réalité à la création du monde », appuie même Kevin Sandy, directeur du Iroquois Lacrosse Program, dans le documentaire de Jamie Whitecrow.
Réappropriation culturelle
L’équipe nouvellement baptisée Haudenosaunee Nationals célèbre encore aujourd’hui les traditions spirituelles et médicinales dans leur pratique du sport. « Notre peuple s’en servait pour aider à guérir les personnes », raconte un membre de la communauté Haudenosaunee qui fréquente le Centre d’amitié de Fort Erie dans le documentaire de Jamie Whitecrow.
Pour se déplacer à l’international, les joueurs et les joueuses de cette même nation utilisent des passeports Haudenosaunee. En le faisant, ils affirment leur souveraineté au monde entier et du même coup, se détachent du Canada et des États-Unis. La crosse, sport qui leur appartient originellement, est un outil qui leur permet d’affirmer leur identité au niveau mondial.
Malgré cette déclaration d’indépendance face au Canada, la nation Haudenosaunee croit que le sport pourrait mener à une réconciliation entre les communautés. Jamie Whitecrow répète les propos de Jennifer Dockstader, une usagère du Fort Erie Native Friendship Centre, dans le documentaire datant de 2018 : « la vision collective qu’ont les autochtones du monde permet l’inclusion dans le sport. C’est toute la société qui va en profiter ».
À des fins journalistiques, plusieurs joueurs et joueuses membres des Premières Nations ont été contactés afin d'intégrer leurs propos dans cet article. Nous avons reçu plusieurs réponses négatives de leur part, et d’autres nous ont laissés sans réponse.
Illustration: Léonie Poulin