Conçu par l’ex-surintendant de l’éducation de l’Oklahoma Ryan Walters afin d’évaluer la loyauté patriotique des nouveaux enseignants, le test controversé America First soulève toujours des questions sur la liberté d’expression et sur l’ingérence politique dans l’éducation américaine.
« Dès son annonce, ce test augurait des problèmes. À la base, le système d’éducation en Oklahoma a recours à la réciprocité », a déclaré Richard Wilkinson, avocat général de l’Oklahoma Education Association (OEA). Un professeur venant d’un autre État peut donc enseigner en Oklahoma sans problème, a-t-il expliqué.
L’examen était constitué de 34 questions portant majoritairement sur l’histoire des États-Unis. Néanmoins, trois de ces questions portaient sur la notion de genre. Le corps professoral devait indiquer les distinctions fondamentales entre les hommes et les femmes ainsi que justifier pourquoi ces différences étaient considérées comme importantes dans le sport et dans les sphères privées.
David Grondin, chercheur au Centre d’études et de recherches internationales de l’Université de Montréal (CÉRIUM), aborde le sujet de manière plus large. Il explique qu’en 2025, les enjeux politiques aux États-Unis sont identitaires. Le test America First n’est qu’une parcelle représentant le conflit idéologique:« Il crée une diversion; pendant que l’on discute de ça, on n’est pas en train de parler des choses plus importantes qui se passent », confie-t-il.
L’examen aurait eu un plus grand impact si d’autres États étaient venus à l’adopter, a ajouté M. Grondin. Il est d’ailleurs impossible d’échouer le test, puisque celui-ci passe seulement à la prochaine question lors d’une bonne réponse. « L’intention est donc davantage d’endoctriner plutôt que de vérifier des connaissances », a souligné M. Wilkinson.
America First, développé avec l’aide du lobby PragerU, était d’abord destiné aux professeurs venant des États de New York et de la Californie, connus pour leurs tendances démocrates. Celui-ci a, par la suite, été rendu obligatoire pour tous les nouveaux professeurs en provenance des différents États, rapporte M. Wilkinson. Il confirme tout de même que rares sont les professeurs qui déménagent en Oklahoma.
Et la Constitution?
Selon Andy Spiropoulos, professeur en droit à l’université de l’Oklahoma, il est difficile de dire si le test venait à l’encontre du premier amendement de la Constitution américaine, qui protège la liberté d’expression et de religion. Ce dernier rapporte que les questions étaient formulées de manière à ce qu’elles soient le plus factuelles possible, sans sembler démontrer de jugement de valeur.
Aux États-Unis, l’éducation est gérée par les États eux-mêmes. Cependant, le juriste rapporte « [qu’]il est dur à dire si Ryan Walters a le pouvoir ou non de créer ce test selon les lois de l’État ». L’ancien surintendant n’aurait d’ailleurs pas toujours consulté les autres membres de son conseil avant de prendre certaines décisions, d’où l’adoption rapide de mesures controversées, comme le test America First, affirme-t-il.
Il est normal pour un gouvernement de faire affaire avec des compagnies privées. Le « hic », c’est que PragerU se définit ouvertement comme un lobby prônant des valeurs judéo-chrétiennes de droite, a expliqué M. Spiropoulos. Dans un système d’éducation qui doit légalement être neutre, ajoute-t-il, c’est plus difficile à faire passer aux yeux du public.
Ryan Walters démissionne officiellement de son poste le 30 septembre 2025.